Ils disent non à l’amendement ADN

François Bayrou, président du Modem

«Quelque chose d’essentiel est en jeu»Par principe, je ne signe jamais de pétition. La seule exception avant celle-ci fut celle sur les prisons. Je donne ma signature contre les tests ADN car quelque chose d’essentiel est en jeu. Premièrement, il s’agit de ramener à la biologie et à la génétique la relation humaine la plus précieuse qu’est la relation familiale. Or, il y a beaucoup d’enfants qui s’épanouissent dans le cercle de famille sans être pour autant les descendants biologiques de leurs parents. Par humanisme, notre vision de l’homme est que le lien familial ne peut se réduire au seul lien génétique. Deuxièmement, il s’agit de l’installation de mécanismes de recours à la génétique dans la régulation de problèmes de société. Troisièmement, on considère que l’immigré doit relever pour sa vie de famille de mécanique biologique que pour l’instant on ne songe pas à imposer aux citoyens français.

Charles Berling, acteur

«On ne ferait pas ça à une famille française»J’ai juste un truc à dire. On ne ferait pas ça à une famille française. Si c’est la loi du sang qui prime, c’est tout simplement terrifiant. Qu’est-ce que c’est une famille aujourd’hui? On le sait bien: des compositions, des recompositions. Si le président Sarkozy tient tant à ces tests ADN, il n’a qu’à les appliquer à sa propre famille.

Stomy Bugsy, rappeur

«Une boucherie dans les familles»Ce projet de loi nous ramène aux heures les plus sombres de l’Histoire, avec les juifs. Un test ADN, normalement, on le fait pour les assassins. Il faut aussi savoir qu’en France 8 % des enfants naissent d’un adultère. Alors, on veut quoi, être responsable d’une boucherie dans les familles ? Même Pasqua, qui n’est pas réputé pour faire dans la dentelle, a critiqué ce projet de test ADN. Sarkozy a le don pour faire sortir le racisme en chacun.

Laurent Fabius, ex-Premier ministre

«Halte à la surenchère»Quel que soit l’angle sous lequel on l’examine, cette mesure, prétendument faite pour «aider» l’immigration régulière, doit être refusée. Jusqu’ici, le législateur n’a-t-il pas en effet limité avec raison l’usage des tests génétiques à la médecine, à la science et à des procédures judiciaires ? Comment admettre que le droit de la famille et celui de l’enfant soit défini en termes strictement biologiques ? N’y a-t-il pas abus de confiance à citer les «exemples européens» alors qu’ils ne pratiquent en général pas ainsi ? Ne confond-on pas, en ajoutant barrage sur barrage, être ferme et être fermé ? Et même, ne veut-on pas, avec la symbolique des tests, assimiler en filigrane immigré et délinquant potentiel ? Halte à la surenchère sur l’immigration ! Quatre lois en quatre ans, des préfets pressés de «faire du chiffre» en matière de reconduites à la frontière, la chasse aux sans papiers jusque dans les écoles pour leurs enfants, cela fait cher le tribut électoral versé à la droite extrême. L’immigration est une question complexe à traiter sérieusement, pas un filon à exploiter.

René Frydman, gynécologue-obstétricien

«La génétique ne fonde pas un lien familial»Ce projet est très offensant pour les étrangers. La loi française de bioéthique refuse la biologisation de la filiation et réserve le recours au tests ADN de filiation aux conflits familiaux graves, portés devant les tribunaux. Cette ligne est juste, la génétique ne fonde pas un lien familial. Il y a une quinzaine d’années, l’Inserm avait étudié l’ADN et la filiation de classes entières d’enfants, dans des écoles et avait découvert qu’une proportion non négligeable des troisièmes rejetons d’une famille n’étaient pas l’enfant de leur père… Ainsi, nous appliquerions aux autres une règle que nous refusons. Ainsi, nous exigerions que des informations biologiques servent de passeport à des étrangers. Cela rappelle de très mauvais souvenirs. Il est vrai qu’une minorité de pays européens se réservent la possibilité de demander des tests ADN pour le regroupement familial. Mais dans ces pays, il n’y a pas de discordances de droit : les tests ADN sont libres d’accès pour tous. Il faut aller au-delà, obtenir une harmonisation au niveau européen de l’usage des tests ADN pour l’immigration, sur la base d’une réflexion éthique.

Bernard Thibault, Secrétaire général de la CGT

«Alimenter le racisme»L’instauration de tests ADN pour prouver une filiation familiale est présentée par certains députés comme une simple méthode pour organiser «l’immigration choisie». Faire entrer la génétique sur un autre terrain que ceux liés à la médecine et la justice est un choix de société qui peut être lourd de conséquences. Il ne peut certainement pas être traité au détour d’une énième loi sur l’immigration sauf si l’objectif inavoué est d’alimenter un racisme déjà omniprésent. La génétique n’a rien à faire dans la définition d’une famille, sinon il faut se préparer à des milliers de charters pour des milliers de Français «génétiquement illégaux». Ouvrir cette voie, c’est admettre demain de nouvelles ignominies.

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